La fabrication du pain au levain

 Les étapes de fabrication

La fabrication d’une « fournée » de pain au levain se déroule sur un laps de temps d’une vingtaine d’heures et nécessite environ 10h de travail.  Voici les principales étapes qui jalonnent la réalisation d’une fournée.

Le rafraichissement du levain

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Pour activer la fermentation de la pâte, nous l’ensemençons avec notre levain. Nous le conservons toute l’année au frais à l’état de « levain chef » mais avant chaque utilisation dans la pâte, il est nécessaire de le « rafraîchir » plusieurs fois.

« Rafraîchir» signifie réactiver la fermentation des micro organismes par l’ajout d’eau et de farine au levain chef. Ces rafraichis commencent une quinzaine d’heures avant le pétrissage de la pâte.

Le pétrissage

Le pétrissage consiste à mélanger tous les ingrédients de la pâte à pain : le levain arrivé à maturité, la farine, l’eau, le sel et les éventuelles graines pour les pains spéciaux. Nous réalisons le pétrissage manuellement dans un grand pétrin en bois. Le fait de réaliser cette opération à la main nous permet de mieux sentir la consistance et la texture de la pâte ainsi que son évolution au cours des différentes étapes suivantes. La douceur du travail à la main par rapport au pétrissage mécanique nous permet d’utiliser une pâte moins « resserrée » (moins de sel nécessaire) et aboutit à une meilleure conservation des caroténoïdes et autres micronutriments oxydables impliqués dans la formation des arômes du pain.

Le pointage

Le pointage espate-01t l’étape de fermentation qui se situe entre la fin du pétrissage et le début du boulage. Il s’agit d’une phase très importante aussi bien dans la formation des arômes du pain que de sa consistance. Les enzymes contenues dans le levain et la farine, réveillées par l’eau, commencent à dégrader les sucres complexes de la pâte (saccharose, maltose, amidon) en sucres simples puis en CO², en alcool et en une multitude de composés aromatiques complexes.

Les acides produits par l’alcool éthylique se fixent sur le gluten et le contractent, formant progressivement un réseau glutineux qui retiendra les bulles de gaz.

Le boulage et le façonnage

A la fin du pointage, nous divisons la pâte en petits pâtons que nous pesons au poids désiré puis nous réalisons le « boulage » c’est-à-dire la mise en boules des pâtons en les repliant sur eux-mêmes. Suite à cette opération, les pâtons sont entreposés sur des planches pendant une phase de « détente » après quoi ils sont repris un à un pour être façonnés dans leur forme finale avant cuisson. Les pains façonnés sont disposés sur des planches recouvertes de toiles de lin.

L’apprêt

L’apprêt est la seconde phase de fermentation durant laquelle se poursuit la dégradation des sucres par les enzymes et la formation de C0² et d’alcool responsables de la levée des pâtons. Il s’agit d’une phase délicate qui requiert une observation fine de l’évolution des pâtons afin de déterminer avec exactitude le moment propice pour l’enfournement.

La chauffe du four

Il est indispensable que la température du four à bois soit optimale au moment précis où les pâtons se trouvent dans leur état de levée maximale. Il faut pour cela parvenir à estimer de la façon la plus juste possible l’heure d’enfournement et en déduire l’heure d’allumage du four en fonction de la durée de la chauffe.

L’enfournement

L’enfournement se réalise à deux : l’un prélève les pâtons sur les planches du parisien et les dépose sur la pelle d’enfournement tenue par le deuxième qui dispose en ordre les pâtons dans le four. Cette opération doit être à la fois rapide et précise afin d’optimiser la place dans le four et de réduire au maximum la chaleur qui s’en échappe lorsque la porte est ouverte.

Durant l’enfournement, de la vapeur d’eau est introduite dans le four afin d’améliorer le volume des pains et la coloration de la croute.

La cuisson

DSCF1693Au début de la cuisson, la température de la pâte augmente rapidement et les ferments accélèrent la dégradation des sucres et la production de CO². Le volume des pains augmentent. A la température de 50°C, l’ensemble des ferments sont détruits et toute production de CO² se trouve stoppée.

Au-delà de 50°C, le C0² présent dans la pâte se dilate, accentue le développement du pain et la formation des alvéoles. Le gluten se coagule et les granules d’amidon se transforment en empois. Une partie de l’eau de la pâte s’évapore, la mie devient moins collante et la croute durcit tout en se colorant sous l’effet de la caramélisation.

Le défournement

DSCF1711Après une cuisson d’environ 45 minutes, les pains cuits sont retirés du four et disposés en caissons aérés pour une phase de « réssuyage ». Durant cette phase, le pain refroidit tandis que le C0² et la vapeur d’eau contenus dans les alvéoles se trouvent remplacés par l’air ambiant.

 

 

 

 

 

 

Nos choix de fabrication

L’histoire de la fabrication du pain levé est riche de plusieurs milliers d’années d’évolution à travers différentes cultures et civilisations. Il existe donc mille et unes façon de fabriquer le pain. De très nombreux paramètres interviennent dans le processus de panification et les choix réalisés par le boulanger à chacune des étapes vont influencer le résultat final à la sortie du four et dans nos assiettes. Nous vous présentons ici quelque uns de ces paramètres et les choix de fabrication pour lesquels nous optons.

La farine de meule à partir de nos propres variétés de blé

La mouture sur meule de pierre, bien que plus lente, permet une plus grande richesse de la farine en minéraux et micronutriments. En effet, ce type de mouture exerce des pressions et frictions sur les enveloppes et le germe qui ont pour résultat dmeule’inclure des éléments de ces fractions dans la farine finale. On constate également une plus forte proportion d’amidon endommagé dans la farine, la rendant ainsi plus pénétrable à l’eau et aux activités enzymatiques.

Le choix des variétés de blé que nous incluons dans notre mélange ainsi que leurs proportions respectives nous permet d’obtenir une farine adaptée à notre procédé de panification sur le plan de la tenue du pain et de ses qualités gustatives.

L’utilisation de farines semi complètes ou complètesfarine

Sur le plan nutritif, l’emploi de farine semi complète (type T80) ou complète (type T150) apporte davantage de fibres, de minéraux et de vitamines qui sont contenus dans l’enveloppe et le germe du grain. Cette richesse peut toutefois être contrebalancée par le fait que les éventuels résidus de pesticides, herbicides et fongicides se trouvent précisément sur l’enveloppe du grain. Mais cette question ne se pose pas en agriculture biologique.

Une plus forte densité en fibres a également pour effet de ralentir le processus de digestion et donc de contribuer à l’amélioration de l’index glycémique du pain (un index élevé exprime une forte augmentation du taux de sucre dans le sang).

La fermentation sur levain pur

Deux types de fermentations permettent la levée de la pâte : sur levure et/ou sur levain. La levure (saccharomyces cerevisiae) appartient à la famille des champignons et produit une fermentation de type alcoolique (CO² + éthanol) tandis que le levain est un mélange de levures et de bactéries naturelles produisant une fermentation plus complexe : à la fois alcoolique, lactique et acétique.

La levée du pain étant surtout le fait de la production de CO², une fermentation sur levure est beaucoup plus rapide que sur levain, ce qui explique qu’elle ait supplanté ce dernier avec l’industrialisation de la fabrication. Mais sur le plan de la qualité, le levain présente de très nombreux avantages.

Sur le plan gustatif tout d’abord, la complexité de la microflore du levain conduit à différents type de fermentation, ce qui diversifie et enrichit la production d’arômes.

Sur le plan de l’assimilation des nutriments ensuite, la fermentation au levain (d’autant plus qu’elle est longue et hydratée) permet d’accélérer la dégradation de l’acide phytique, un composé qui se lie aux minéraux et empêche leur digestibilité.

Sur le plan de la conservation enfin, le pain au levain présente l’avantage de se conserver plus longtemps qu’un pain à la levure. En effet, l’acidité du levain retarde l’apparition des moisissures et la rétrogradation de l’amidon.

L’utilisation de farine, d’eau et de sel uniquement

L’évolution des sciences et techniques en matière de panification a mis à la disposition du boulanger de très nombreux additifs, auxiliaires technologiques et adjuvants ayant pour but de corriger les défauts des farines et/ou de faciliter les opérations de fabrication (plus d’informations sur les produits utilisables et utilisés : http://www.boulangerie.net/forums/bnweb/dt/additif.php).

Nous faisons le choix de n’utiliser absolument aucun de ces produits et de fabriquer nos pains exclusivement à partir de farine, d’eau et de sel.

Le travail manuel

Si nous choisissons de travailler à la main du pétrissage au boulage et au façonnage des pâtons, c’est d’abord par plaisir et par besoin de proximité avec la pâte. Le travail manuel nous permet de sentir la consistance et la texture de la pâte ainsi que son évolution au cours des différentes étapes. Il rend de plus possible l’utilisation d’une pâte plus hydratée et moins salée qui serait beaucoup plus difficile à travailler au pétrin mécanique.

Une faible teneur en sel

 La teneur en sel du pain a fortement augmenté depuis quelques décennies avec la pratique du pétrissage intensifié et la nécessité de « resserrer » la pâte pour compenser la brutalité du travail mécanique de la pâte. L’augmentation de la dose de sel permet également de compenser la perte d’arômes due au

raccourcissement du temps de fermentation (travail sur levure notamment) et à l’oxydation par le pétrissage intensif des caroténoïdes, polyphénols et autres micronutriments (qui sont supports d’arômes dans le pain).

Pour toutes ces raisons, la teneur moyenne en sel se situerait en France autour de 24gr/kg de farine (selon Gérard Brochoire et Fanny Leenhardt dans l’article « sel » du Dictionnaire universel du pain – Robert Laffont – 2010).

L’implication du sel dans l’étiologie des maladies dites de « civilisation » a conduit l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) à recommander une diminution de la dose de sel dans le pain au niveau de 18gr par kg de farine.

Les choix pour lesquels nous optons en matière de panification nous permettent d’élaborer nos pains avec moins de 17g de sel par kg de farine.

Le sel de Guérande que nous utilisons est de plus un sel marin non raffiné riche en minéraux et oligoéléments.

La cuisson au feu de bois

La cuisson au feu de bois SANYO DIGITAL CAMERAconfère à nos pains une saveur typique et une belle coloration de croute. Elle permet une cuisson en « température descendante » qui correspond parfaitement aux besoins de cuisson du pain. L’utilisation du bois comme combustible présente par ailleurs l’avantage d’être neutre sur le plan de l’empreinte carbone, d’autant plus qu’il s’agit d’un matériau résiduel (chutes de scieries) acheté localement aux entreprises de l’agglomération.

L’émission « terre à terre » du 27 juin 2015 sur France Culture reprend plus en détail les liens entre procédés de fabrication et qualité nutritive des aliments dont le pain (à partir de la 18ème min). Ecouter l’émission en podcast ici.